
C’est toujours avec un grand plaisir que je vous retrouve en méditation et pour les enseignements. Certes, mes écrits se sont faits exceptionnellement un peu rares ces derniers temps car beaucoup de contraintes personnelles de service m’ont paralysée. Toutefois, jamais intérieurement, je ne cesse de penser à vous, mes chers élèves et à notre cheminement mutuel sur la voie prestigieuse yoguique.
Soyez assurés de ma fidèle attention et intention à nous maintenir à un niveau plus qu’honorable de la quête spirituelle. Je vous réitère d’ailleurs mes intimes observations faites lorsque je suis en interaction avec le monde actuel et que je constate la grande et subtile différence entre les pratiquants que nous sommes et la mentalité ordinaire de la plupart des gens. Le concept qui nous invite à « déraciner l’égo à coups de hache » n’est pas un vieux credo yoguique dépassé, bien au contraire, et jamais notre société humaine n’a eu autant besoin de l’appliquer !
La longue pratique déjà acquise a fait de nous des contemporains attentifs, vigilants et généreusement actifs, dont la devise est de servir et d’aimer avant de se réaliser soi-même, bien que les deux premières attitudes mènent implicitement à la troisième.
Dans le mot « servir », certains y voient une notion de « sacrifice ». Oui, bien sûr, à partir du moment où vous donnez, vous perdez quelque chose, ne serait-ce que votre temps ou votre énergie. Il y a forcément une limite à ne pas dépasser et il appartient à chacun de nous de la connaître. Parfois, la générosité devient une faiblesse et une « mane » pour ceux qui en profitent.
Mais n’oubliez pas, « Tout ce qui n’est pas donné est perdu, à commencer par l’amour ».
« Donner sans rien attendre » enlève les illusions sur la race humaine et donne force et liberté pour soi-même.
Moi-même, Jaya, je n’échappe pas au stress parfois dans certaines situations, mais les fruits d’une longue pratique yoguique me permettent une efficacité redoutable, et ce qui est effectif pour moi, l’est forcément pour vous, pratiquants à mes côtes depuis si longtemps.
Certes, le stress fait des ravages corporels et personne n’est à l’abri d’un trop plein ou d’une maladie conséquente, mais parfois, il n’est pas que négatif et peut être aussi un moteur à la réalisation et au dépassement, voire un moyen pour développer de nouvelles capacités intelligentes. La connaissance yoguique du corps et du mental doit permettre de gérer les limites et d’avoir suffisamment de soupapes de sécurité. Si une soupape saute, elle peut être alors une alarme salutaire pour engager un espace-temps de répit et de réflexion afin de modifier les causes du chaos.
La pratique, plus que jamais, doit aider alors à prendre le relais.

Un « burn out »chez un pratiquant en méditation et yoga fera assurément beaucoup moins de dégâts que chez un néophyte ou un non pratiquant. Bien sûr, nous pourrions nous dire que la pratique sert aussi à éviter cela, mais l’interaction avec le monde extérieur étant inévitable (famille, travail, maladie, etc.), la pratique ne vous protègera ni de la mort, de la vieillesse, ni de la maladie, ni des affres découlant de notre interaction avec le monde.
Elle pourra par contre les neutraliser davantage que chez la majorité des gens.
La pratique est un coussin moelleux au fond du puits et le pratiquant doit savoir trouver refuge en elle et ses valeurs tout comme en son guide.
Trouver refuge ne signifie pas fuir une situation ou ses responsabilités, mais trouver une force supplémentaire inépuisable.
Le chercheur spirituel qui sait faire cela et possède déjà un trousseau de clés précieuses, amorce de toute façon, une véritable prise en main de son destin individuel par une meilleure connaissance de ce qui fait sa pensée, ses sentiments, non pas uniquement dans leur dimension individuelle et unique mais aussi dans leur texture et leur contenant universel.
En quelque sorte, nous matérialisons l’éthique universelle la plus haute et la plus honorable par des actes personnels et c’est la plus noble façon d’honorer les enseignements millénaires yoguiques et les sages qui nous ont précédés, les maîtres qui nous ont initiés.
Pour incarner un jour la sagesse, il faut savoir prendre le chemin qui mène à elle.
Il n’est linéaire pour personne.
Si parfois notre mental n’est pas en adéquation avec les situations que nous devons gérer et ne nous offre pas les pleines capacités nécessaires pour gérer notre action, notre état de stress ou de détente nous renseigne en temps réel sur cela.
Notre état de stress peut avoir une grande intensité lorsqu’il est lié à des enjeux graves. Lorsque nous avons l’habitude de développer l’attention à la fois sur nous-même et notre état intérieur autant que sur notre interaction avec l’extérieur où notre stress devient visible aux autres, nous sommes mieux à même d’identifier « la ligne de feu » entre la bonne dynamique de notre mode mental préfrontal associé au calme, la détente et la maitrise, et l’obstination inadaptée à la situation.
Voir le stress en nous permet de nous distancer vis à vis de nos susceptibilités, de nos méfiances à l’égard des remarques d’autrui, voire relativiser les complexes qui gênent notre liberté de pensée face au point de vue des autres.
Lorsque nous ne sommes plus à même d’avoir cette distanciation, c’est que nous avons perdu le contrôle et avons dépassé la ligne de feu.
Nous devenons incohérent, nous pouvons nous emporter, devenir critique, rendre les autres responsables, nous ne savons plus gérer.
Mais en fait, tout vient de nous et de nos mécanismes mentaux profonds.
Notre stress nous appartient presque toujours.
Notre « moulin à alibis » tourne toujours en notre faveur pour nous empêcher de comprendre ce qui dérange.
Je suis stressé parce que mon problème est sérieux ...Il y a bien de quoi !
Non, il n’y a pas de quoi, en vérité. Il n’ y a pas d’alibi.

Qui dit Stress, dit erreur du mode mental immédiat sur le sujet qui stresse.
Et c’est là que l’entrainement spirituel peut prendre le relais en situation difficile, en augmentant la sérénité et l’intelligence nécessaire où la raison et le coeur se rencontrent. Nous en avons tant de fois parler.
C’est ce mode mental là qui fait les grands hommes et femmes, les sages, les philosophes, les visionnaires, les grands pratiquants.
Dans le rapport « raison /cœur », lorsque le cœur perd pied et que le stress s’active, stress dont les racines peuvent être profondes, la raison perd aussi pied par des réactions automatiques préjudiciables pour nous comme pour autrui. Voir son stress et savoir le gérer autre que par le combat ou la fuite, permet d’identifier cette ligne de feu intérieure à ne pas dépasser.
Notre conscience supérieure, notre supra-conscience développée entre autres par les pratiques yoguiques, mais existante malgré tout chez tout le monde à l’état endormie, se réveille et entre alors en jeu pour critiquer intérieurement cet état de stress de notre conscience ordinaire.
Cette conscience supérieure est au courant de tout puisqu’elle est au centre de tous nos circuits neuronaux d’un point de vue physique.
D’un point de vue métaphysique, elle peut se maintenir dans un état d’éveil afin de superviser la majorité de nos actions ou réactions.
C’est cela qui fait la différence entre les pratiquants et les non pratiquants.
En principe !
Un pratiquant se devrait de pouvoir toujours fonctionner en rappel de cette conscience supérieure et non se laisser envahir par les mécanismes plus primaires du cerveau limbique.
C’est tout un art long à maitriser. C’est aussi cela le chemin de la sagesse.
Ainsi cette supra-conscience, tel un ange gardien permanent intérieur, nous permet d’identifier nos propres dissonances et mieux observer celles des autres.
Lorsque l’autre est dissonant et sa propre intelligence en désaccord avec son discours, sans conflit et en nous assurant de notre propre mode mental de maitrise et de calme intérieur, nous pouvons avec respect et amour, l’amener à un questionnement plus préfrontalisant et moins limbique en reconsidérant les points de vues mutuels et en les nuançant.
Nul besoin de partir en guerre sur le fond, plus subtil est de nuancer la forme en nuançant ses propres points de vue pour qu’il nuance les siens, argumentant les causes et les effets, les décisions et indécisions, de façon à ébrécher davantage les certitudes qu’argumenter le contraire coûte que coûte.
Pour cela, il faut que le cœur agisse aussi dans le processus mental avec pour objectif d’activer la bienveillance mutuelle.
Si la ligne de feu par contre a été franchie, il n’y a plus de place à l’espace raison/cœur et c’est le chaos.

C’est la dispute, le conflit, le ressentiment, etc.
L’intelligence rationnelle, l’ouverture d’esprit, la tolérance, le sens des responsabilités et de l’altérité sont les premières fondations de la sagesse et de l’éthique.
Ces valeurs, bien que millénaires, ne sont pas maitrisées par le commun des mortels et fonctionnent en statu quo et tant bien que mal dans une société plus ou moins civilisée.
Pourquoi, me direz-vous ?
Parce que ces valeurs sont considérées depuis la nuit des temps, comme un savoir et un comportement moral à acquérir sans que l’on n’ait pu identifier les processus physiologiques et neuronaux qui le permettaient.
Nos valeurs auxquelles nous tenons tant, si elles sont exprimées lors d’un stress et donc associées à lui, le sont par le mode automatique limbique, mode intolérant, aveugle et sourd.
Si nous ne comprenons pas ce mécanisme subtil qui nécessite le jeu entre la conscience supérieure, la conscience ordinaire, les cerveaux limbique et reptilien, nous ne pouvons pas intégrer le fait que la conscience préfrontale dite supérieure, tel un gardien subtil, sait identifier les mécanismes automatiques et primaires des zones limbique et reptilienne, sans passer par la conceptualisation de la conscience ordinaire.
Elle sait et identifie en temps réel, l’anomalie, l’erreur, le mauvais mode mental utilisé lorsqu’il y a stress et nous le fait savoir par un mal être, une dissonance intérieure, voire un chaos intérieur.
Ce préfrontal est « boosté » par toutes les pratiques de méditations, de concentrations, de visualisations yoguiques, de prāṇāyāma प्राणायाम, les techniques puissantes du kriyā yoga क्रिया, de l’activation de l’Ājñā cakra आज्ञा चक्रa qui permettent la voie directe entre le préfrontal et le cerveau limbique, et ce par le biais entre autres du système hypothalamique.
Ce gardien murmure alors à notre oreille :
« Quelque chose ne va pas en toi ! »
Nul alors besoin de passer par la panoplie idéologique, moralisatrice ou religieuse.
Nous savons qu’il y a erreur du mode mental utilisé. Écouter cette voie intérieure du préfrontal, le relier au cœur et chercher l’apaisement, permet de désamorcer ce stress source d’erreur de jugement.
Certains pourraient penser que cette voie intérieure leur déclare une vérité. Attention, lorsqu’il y a stress, la seule vérité est qu’il y a erreur de son propre jugement face à la situation.
Pour recevoir des vérités précieuses, il faut être dans l’apaisement et là, le préfrontal sera riche en messages inestimables.
La pratique yoguique y pourvoira.

En attendant, attention à la ligne de feu.
Hari Om Tat Sat
Jaya yogācāryaḥ
Bibliographie :
– « L’intelligence du stress » de Jacques Fradin aux Editions Eyrolles
– Adaptation et commentaire par Jaya yogacarya
©Centre Jaya de Yoga Vedanta Ile de la Réunion & métropole
Remerciements à C. Pellorce pour ses corrections