Par rapport au chemin de vie que chacun de nous traverse et en dehors de notre démarche yoguique et métaphysique sur la nature intemporelle, nous pourrions penser, d’un point de vue plus pragmatique, que nous suivons un parcours plus ou moins sinueux et plus ou moins long, où les repères du passé comme les prémices du futur sont autant d’indices pour les évènements à vivre dans le présent. voir conf " Prémices et coïncidences »
Alors que ces indices sont devenus précieux lorsque nous sommes déjà mûrs, durant la jeunesse, nous n’avons pas forcément été éclairés, ni sur la portée future de nos actes ni sur la lecture des exemples de l’époque pouvant jouer pour notre avenir. Cela finalement, fait souvent de nous des explorateurs plus ou moins borgnes du futur. Ce futur devenu déjà présent.
Surprenante en effet, cette si difficile maturité à atteindre que les personnes d’un âge certain sont censés détenir. Plus compliquées sont les nouvelles leçons à comprendre et les conclusions à appliquer lorsqu’on est dit « d’âge mûr » et que nous n’avons pas appris les leçons basiques.
Vieillir ne nous garantit en rien la sagesse.
Fondamental alors est de suivre, durant son existence, une ligne de vie où la réflexion, l’éthique, la connaissance de soi et donc la maîtrise de soi supposée, mais aussi, la connaissance du Soi, la connaissance de l’autre et le respect des différences, sont autant d’outils utiles susceptibles de nous aider à ne pas oublier Qui nous sommes et Pourquoi nous sommes là, lorsque surgissent le chaos et le déclin dus à l’âge.
Et quand bien même, nous ne sommes pas à l’abri d’oublier ces précieux outils si le cerveau dégénère.
Mais ce qui reste, siège dans le cœur et peut faire de vous un vieillard bienveillant ou un être plein de peurs et de regrets.

Les yogis que nous sommes, en établissant une communication privilégiée avec l’Ātman आत्मन्, s’ assurent un gage de santé métaphysique et intemporelle dans le plan subtil. Puisse cela protéger le contenu du cœur vieillissant par ce long travail du déracinement de l’égo. Puissions-nous l’espérer.
En invoquant la lignée des yogis qui nous ont initiés, souhaitons de préserver le contenu intact de notre cœur, quoi qu’il arrive, car les aspérités de la vie peuvent transformer les terres fertiles en désert aride.
Quant à notre cerveau qui reste aux commandes de ce souhait, il est grandement préférable de savoir l’utiliser de façon optimale, le temps qui nous est donné pour cela.
Penser que la seule compréhension de notre passé, en comprendre les leçons, trouver les causes de nos souffrances puisse nous assurer d’arriver à la bonne destination dans l’existence, n’assure en rien.
Nous sommes des êtres compliqués avec un cerveau complexe.
Nous sommes aussi un ensemble de souffrances et fonctionnons sur des modes mentaux conditionnés.
Nous nous identifions à des contenus culturels et fonctionnons sur des modes de ressentis qui peuvent être modifiés. Il suffit de voir comment les modes vestimentaires, les époques musicales, les utilisations technologiques, etc., agissent.
Plus encore, certaines valeurs, certaines croyances culturelles sont parfois enracinées dans des modes neuronaux profonds, voire paléo-limbiques.
Le cerveau paléo-limbique, serait le 2e , apparu avec les premiers mammifères soit vers 220 millions d’années. Il serait à l’origine de notre système limbique dévolu aux principaux comportements instinctifs et à la mémoire. Il permettrait les émotions et déclencherait les réactions d’alarmes du stress.
« Ainsi certains comportements encore très manifestes chez nos contemporains relèvent de modes fonctionnels anciens, qui peuvent relever de cultures où l’aspect de la personnalité y était déjà compétitrice, ou dominatrice, cela n’étant qu’un exemple, » nous dit J. Fradin.
Notre monde actuel à ce niveau-là, en est une belle démonstration !
Sans le savoir, lorsque nous faisons « allégeance » à un type de culture, nous adhérons à des modes fonctionnels relevant de modes neuronaux plus ou moins précis voire anciens.
Tout ne vient pas de la supra-conscience chez la majorité des gens, mais plutôt du limbique.
Pour autant ceci n’est pas inéluctable.
Les pratiques yoguiques entre-autres, peuvent nous permettre de nous déconditionner de cela en nous apprenant à passer dans d’autres modes mentaux, en nous désaliénant des diktats culturels dominants.
N’oubliez pas, le yogi est un rebelle pacifique qui se doit de penser et d’expérimenter par lui-même avant de valider quoi que ce soit.
Lorsque nous activons les zones du préfrontal par les mudra, les visualisations et autres techniques de méditation et de concentration afin de solliciter les cakra supérieurs, nous apprenons à changer de canal, de mode mental standard, de contenant et jouons avec d’autres structures cérébrales, d’autres modes mentaux, ne serait-ce qu’en stimulant davantage le cerveau droit.
En jouant sur d’autres modes mentaux et donc neuronaux, nous découvrons d’autres sensibilités en nous. Certains d’entre-vous ont pu, au fil des années de pratique, développer la partie émotionnelle et intuitive, sensible, qui était dormante quand d’autres ont accepté de mettre de l’analyse là ou il n’y avait que de l’émotionnel.

En nous ouvrant ainsi, nous découvrons d’autres modes de pensée, et donc d’autres cultures parfois millénaires qui nourrissent les modes mentaux humains.
S’ouvrir par exemple à un rituel millénaire tel celui de l’activation de La Śakti शक्ति suprême symbolisée par Lalitā Tripura Sundarī त्रिपुरसुन्दरी est une prouesse neuronale pour un occidental cartésien et Dieu sait si les résistances intellectuelles sont présentes chez certains.
Ces résistances relèvent à la fois des aliénations culturelles anciennes qui ont façonné la personnalité ainsi que des modes neuronaux habituellement utilisés à cela. Les peurs de perdre quelque chose, tel un discernement et une analyse cartésienne face à une pratique totalement intuitive et sensible appartiennent à ce conditionnement.
Il n’y a aucun danger à perdre son libre arbitre si l’on comprend comment notre cerveau fonctionne et si l’on connaît parfaitement ce qui siège dans notre coeur.
S’ouvrir ne veut pas dire perdre mais gagner en expérience, en sensibilité et donc en intelligence et tolérance.
Nul besoin non plus de basculer dans l’adoption totale de nouvelles mœurs ou coutumes folkloriques orientales ou autres. Un occidental ne sera jamais un Indien en revanche il peut devenir un yogi. Nul besoin d’un chignon de Śiva शिव pour cela.
Je tiens ici à souligner combien à l’Ile de La Réunion, cette richesse neuronale est active chez bon nombre d’habitants par la multiplicité des cultes et cultures parfois au sein d’une même famille. Cela reste le point fort de l’Ile d’être un exemple pour le reste du monde. C’est ce qui fait la richesse des élèves que vous êtes depuis tant d’années : vous qui savez recevoir l’enseignement autant dans sa dimension logique, analytique et intellectuelle que dans sa dimension intuitive et transcendantale. Il faut une sacrée ouverture de cœur et d’esprit pour suivre cet enseignement depuis tant d’années. C’est là la force et l’aspect exceptionnel du Centre Jaya.
L’essence du Centre Jaya est certes constituée des personnalités de ses deux initiatrices mais aussi de la qualité de ses élèves qui en façonnent la structure essentielle et vitale.
Vous êtes le Centre Jaya et puisse t-on parler de vous, de nous encore longtemps.
Pour revenir aux modes mentaux par lesquels nous fonctionnons, savoir en changer en les identifiant assure de nouvelles expériences instructives. Il nous faut pour cela savoir surtout identifier ceux qui relèvent des modes limbiques et donc instinctifs de ceux plus élaborés qui relèvent du préfrontal. En passant à des modes neuronaux plus subtils, nous allons vers plus d’universalité, plus d’humanité aussi et pouvons mieux gérer les modes instinctifs.

Par exemple, vous êtes nourri par un esprit de vengeance concernant telle personne et tel fait. La démarche qui peut vous amener au pardon va nécessiter un changement de mode mental. Or le mode de vengeance appartient à un mode plus neurocognitif que cognitif, c’est-à-dire un mode plus primaire. Si vous désirez établir un pardon en vous par le seul mode cognitif, à savoir le seul mode du raisonnement intellectuel, sans changer le mode profond, sans changer le contenant, le canal, alors le pardon n’est pas effectif et la rancune peut exploser à nouveau à tout moment.
Il vous faut donc passer du limbique au préfrontal, et dans ce cas-là, en passant par le cœur. Non pas le cœur émotionnel habituel et rancunier, mais le cœur spirituel et transcendé, le cœur du yogi que l’énergie a visité et nettoyé des égos, des fausses identifications, des attachements illusoires, de l’ignorance. voir conf " Le cœur du yogi".
Ājñā आज्ञा et Anāhata अनाहत cakra चक्र œuvrent alors d’une même vibration et peuvent changer le mode mental.
Que s’est-il passé au niveau neuronal en fait ?
Le cerveau entrainé est capable de gérer les différents modes mentaux adaptés aux différentes situations. Le préfrontal est le master, celui qui va pouvoir gérer les situations les plus complexes.
Les yogis l’ont bien compris depuis longtemps. La transcendance commence dans les plans les plus primaires par la résorption de tous les éléments qui constituent l’expérience humaine vers leur essence pure. Ils le font en réveillant une énergie fondamentale en état latent et endormi à la base de la colonne vertébrale pour la faire monter vers les centres supérieurs.
Qu’est-ce à dire ?
Pour le yogi, l’énergie est in-dissociée de la conscience.
Plus l’énergie dite « Kuṇḍalinī कुण्डलिनी » est puissante et contrôlée, plus la conscience s’élargit. Chaque étape de la montée de la Kuṇḍalinī est associée à une expérience d’un plan humain autant dans les plans physique, physiologique, qu’émotionnel et mental. L’activation de cette énergie particulière à chaque plan permet de transcender ce plan et les éléments qui le constituent, éléments « grossiers » (corps) autant que subtils (émotionnels, mentaux). C’est sur ce principe, que le yogi peut résorber tous les éléments dans leur pure essence lorsqu’il arrive dans les centres supérieurs du crâne et se débarrasse de la dualité et des schémas primaires, tant que faire se peut.
Lorsqu’il y a un blocage dans les couches profondes, toute expérience ou pratique yoguique permet d’aller éclairer les zones concernées afin de les mettre davantage sous contrôle. Les mécanismes totalement instinctifs vitaux le resteront toujours mais les méandres ayant été sondées, la conscience peut alors neutraliser davantage les modes mentaux profonds émotionnels du limbique en desserrant les nœuds du système mental ou psychique qui résiste, qui porte le problème et le fige.
Sans combattant plus de combat intérieur.

Par le calme et l’observation, nous pouvons gérer plus facilement ce qui nous était insupportable et incontrôlable. Mais cela va plus loin, car la démarche ici n’est pas qu’intellectuelle et analytique, mais énergétique et supra-consciente. Si le yogi passe par l’activation du cakra du cœur, alors son arrivée vers l’espace frontal, vers l’activation de l’Ājñā cakra (préfrontal) s’accompagne d’une dimension de l’être déjà en partie réalisée ou du moins ayant réglé les plans inférieurs.
La relation alors entre cœur et esprit prend une toute autre envergure.
Le préfrontal est un master souple et adaptatif.
Il est capable de remodeler en permanence nos connexions neuronales et circuits cérébraux afin d’optimiser notre adaptation à des situations nouvelles, à un monde nouveau.
Mais lorsque nous observons le monde actuel, l’homme en effet peut s’adapter à tout, pour le meilleur comme pour le pire. C’est ainsi que de nouveaux circuits neuronaux peuvent se sédimenter pour se maintenir dans de nouvelles situations supposées dite évolutives !
Les effets des nouvelles technologies sur l’aptitude cognitive des jeunes générations
peuvent en effet la booster comme lui être délétères.
Il y a une mutation réelle et inquiétante en cours des aptitudes cognitives humaines.
Qui pense, qui crée, qui manipule les masses ?
Méditer, c’est nous permettre d’ancrer, dans un état supra-conscient, toute notre sensibilité dans les rouages profonds de nos automatismes les plus souterrains et d’y apporter la lumière, avec calme et l’attention de l’observateur bienveillant, comme un thérapeute pour nous-même.
Méditer, c’est aussi la voie qui libère.
Hari om Tat Sat
Jaya Yogācāra
Bibliographie :
« L’intelligence du stress » de Jacques Fradin aux Edts Eyrolles
– Adaptation et commentaire de Jaya Yogācāra
©Centre Jaya de Yoga Vedanta Ile de La Réunion & métropole
Remerciements à C.Pellorce pour sa correction