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OUI ou NON ?

Conférence donnée par Jaya Yogācārya en cours de méditation du vendredi 24 avril 2020 en confinement par visioconférence

Nous sommes dans la 7e semaine de confinement dû à la pandémie provoquée par le covid-19.

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En suivant les informations par les médias, je me suis rendue à l’évidence que personne ne sait où nous allons et encore moins nos dirigeants.
Sans la démarche spirituelle, je serais perdue.

Nous avons été confinés pour parer à une contagion virulente et les autorités estiment que nous sommes pour la population française, environ 6 % de personnes ayant été contaminées.
Où sont-elles ?

Le taux de mortalité dû au virus est très différent selon les pays. Au moment où j’écris ce texte, à savoir au 20 avril, celui de la France est de 13,6 % sur ces 158000 cas confirmés, d’où environ les 20000 décès.
Le vendredi 1 mai 2020, le nombre total de cas confirmés est de 167 178, le nombre de guérisons est de 49 476, le nombre de décès est de 24 376.
Le taux de mortalité est de 14,58%, et a donc augmenté.
Le taux de guérison est de 29,59% et le taux de personnes encore malade est de 55,82%.

Au 20 avril, Il nous a été dit qu’il faudrait que 70 % de la population soit contaminée pour développer assez d’anticorps pour éradiquer ce virus.
Qu’est-ce à dire ?
Nous sommes 67 000 000 personnes. 70 % fait 46 900 000 de personnes.
Si le taux de mortalité à ce jour est de 14,58 % sur les 167 178 cas confirmés, combien de morts seraient nécessaires en perspective des 70 % et quel serait le temps pour y arriver.
Je n’ose le calculer.
On voit bien que ce que disent les journalistes et les politiques relèvent d’annonces spectaculaires qui ne font que confirmer un avenir incertain par manque de certitudes et de solutions à court terme.
Sans vaccin ou traitement miraculeux au plus vite, la logique veut que le dé-confinement risque bien d’amener de nouvelles vagues de contaminations.
Des études récentes parlent d’un probable processus de confinement et de dé-confinement alterné qui pourrait nous mener jusqu’en 2022.
L’OMS ne nous cache pas d’ailleurs qu’il faudra faire avec ce virus pendant longtemps.

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En décidant qui doit ou ne doit pas être dé-confiné alors que nous n’avons ni test pour chacun ni traitement, c’est nous envoyer tous vers une ligne invisible et à risque.
Bien que nous ayons le fort sentiment d’être des pions considérés utiles ou non utiles à la société en fonction de nos activités, cela restant relatif, j’ai le sentiment que plus personne à ce jour ne sait où il va, ou du moins, où il peut aller !
Devons-nous être dociles au prix de la sécurité de nos salaires et partir au front, car c’est bien de cela dont on nous parle. Lorsqu’une guerre se déclare, cela est toujours un choc soudain pour les civils et personne ne peut savoir lorsqu’elle cessera et qui y survivra.

N’ayant pas la main sur les décisions prises au sommet de l’état, les soldats que nous sommes devons nous mettre au pas.
Cela revient à nous dire à nous-mêmes ; « La bourse ou la vie ? ».

Les tenants et aboutissants internationaux en terme de stratégie géopolitique des guerres financières et technologiques que les états se mènent depuis plusieurs décennies, resteront encore pendant longtemps occultes à monsieur lambda. Nous ne savons pas grand chose de ce qui se passe en réalité à grande échelle mais nous en subissons les effets individuellement.

C’est comme dans l’existence ! Finalement, nous ne savons pas vraiment non plus où nous allons, sauf peut-être, ceux qui sont habités par un but élevé, spirituel, artistique, inventif, idéologique, altruiste.

Le seul fait dont nous soyons sûrs est celui de notre propre mort, mais nous l’attribuons toujours à une cause lointaine de vieillesse, de maladie ou d’accident. Le fait de la reconsidérer possiblement plus rapprochée par contagion ou par injure est une dimension nouvelle pour la plupart d’entre nous qui n’avons pas connu la guerre.
C’est pour nous une situation inédite.
Dans l’existence ordinaire, nous remettons la mort à une échéance éloignée et nous nous affairons à vivre, à subvenir à nos besoins. Dans nos sociétés nanties, nous avons de plus la chance de pouvoir profiter de certains plaisirs de l’existence.
Nous nous amusons même !
Nous nous amusons à voyager, à visiter, à danser, à aller au cinéma, au restaurant, au musée, à rencontrer, à acheter, à expérimenter.

Dans cette façon de passer l’existence, et pour peu qu’il n’y ait aucune démarche spirituelle, la plupart des gens arrivent à la mort de façon impréparée. Ils zappent cette échéance en profitant pleinement de l’existence et du moment.
Aujourd’hui, non seulement nous ne savons plus vraiment où nous allons en terme de fonctionnement social mais en plus les moyens habituels de divertissement sont supprimés.
Si cela perdure, cela va changer la donne.
Nous avons toujours eu des sociétés riches et jouisseuses parallèlement à des plus démunies. Les trekkings en 4*4 dans les plaines himalayennes où les sherpas triment pour porter les sacs à dos de nantis en sont un bel exemple.
Notre société mondiale consumériste est devenue une société de plaisirs.
C’est la notion de plaisir qu’il va donc falloir peut être revoir.

Souvenez-vous, dans ma conférence "Le point de tangence", je faisais allusion à la métaphore de la « Grenouille et de la marmite » décrite dans le livre d’Olivier Clerc.
Souvenez-vous, l‘auteur y parle d’une grenouille qui, dans une marmite, ne sait pas qu’elle est en train de cuire. D’une eau agréable, elle passe à une eau de plus en plus chaude et s’adapte finalement, acceptant l’inacceptable sans savoir, au point de plus avoir la force de réagir pour sauter hors de l’eau.

Sommes-nous déjà cette grenouille incapable de sauter hors de l’eau ?

Combien de fois dans mes enseignements, je vous ai rappelé la nécessité d’enlever définitivement l’idée que les épreuves de la vie vont disparaître un jour.
Les épreuves, les coups durs, les situations lourdes à porter, ne disparaîtront jamais de votre vie. Être heureux dans le monde tel qu’il est et non en poursuivant des rêves irréalisables est le vrai challenge spirituel.

Et qui plus est aujourd’hui !

Avidyā अविद्या, l’ignorance fondamentale consiste à croire que le malheur est douloureux et que le bonheur ne peut être totalement heureux.
C’est ainsi que dans des périodes où tout semble aller bien, vos moments heureux sont toujours vécus en arrière plan avec un état de qui-vive et de peur. Vous nourrissez en permanence vos craintes, vos mauvais souvenirs. En les projetant dans vos émotions, dans vos expériences, dans l’avenir, ces mécanismes de peur risquent bien de vous pourrir davantage votre vie dans cette nouvelle situation.

Le chercheur spirituel ne doit pas oublier sa quête de l’unification même dans le chaos de ce nouvel ici et maintenant.

Ne vous ai-je déjà pas dit que toutes ces heures de méditation, de concentration, de connaissance, de maitrise ont pour but de vous apprendre entre autres, à être en paix, serein, à défaut plus calme, dans une situation terrible.
C’est cette attitude de vigilance qui vous permettra d’être libre et serein dans des situations terribles. Il vous faut faire une bascule en vous intérieurement, cesser d’avoir peur et ne jamais oublier cependant que la souffrance ne disparaitra jamais de l’existence.

Il vous faut regarder la vie en face.
Regarder la vie en face, c’est aussi regarder la mort.

Au-delà de la considération métaphysique, la mort est déjà une réalité physique. Socialement, elle est un phénomène naturel traité sans état d’âme, au même titre que le mariage, la natalité, le vieillissement, la jeunesse, etc.
Les médias en ce moment parlent de nos morts en termes de statistiques, de modèles mathématiques et de probabilités.
Je me sens devenir un chiffre !

C’est ainsi qu’on voit sur ces chaines d’infos en continu, un médecin improvisé journaliste, déclarer froidement, en voyant le reportage d’une femme de 97 ans en fauteuil roulant, confinée et pleurant de son isolement, qu’elle va mourir assurément.
C’est ainsi qu’on entend une jeune médecin d’une trentaine d’années déclarer froidement à un homme de 75 ans atteint du covid-19 et arrivant dans son service, que ses poumons sont foutus et qu’il ne s’en sortira pas !
C’est ainsi qu’on apprend sa propre mort par un individu masqué dans une chambre avec des néons.

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C’est ainsi que l’on devient un nombre.

Les médias sont friands de ce genre de témoignages.
Si vous regardez bien les images, au-delà du rituel de « congratulations clapées du 20h » qui pourraient nous faire croire à la bonté humaine, il y a aussi le jeu permanent des individualités qui se positionnent par des analyses ou des déclarations contradictoires pour le seul fait d’être un égo fier d’être à la une et d’avoir quelque chose à dire.
C’est une question de scénario !

Pour le médecin, le phénomène létal est en effet un phénomène prévisible et biologique. Tout cela enlève le caractère tragique de l’événement. En réduisant l’importance métaphysique de la mort, la société en fait un phénomène relatif éloigné de nous. Mais le nombre de morts augmentant, ce phénomène se rapproche de nous.
Or, pour celui qui perd un être proche, l’ipséité, l’individualité de la personne disparue demeurent irremplaçables et ne pourront être compensées.
La mort est impensable.
Nous pouvons penser à la mort mais nous ne pouvons pas penser la mort.

Ne pouvoir embrasser ses parents, ses proches ni les accompagner pour leur dernier voyage, voilà une violence psychologique qui relève bien de la cruauté qu’apporte l’état de guerre.

Il y aura donc un avant et il y aura un après.

Toutes les révolutions, les guerres, les pandémies ont bouleversé les structures sociales établies. Mais bien vite, les hommes se sont relevés. Ils ont enterré leurs morts, pansé leurs blessures .
Le cerveau humain a toujours rebondi et il a toujours créé de nouvelles sociétés, de nouvelles structures, de nouveaux fonctionnements.
Sa nécessité biologique consiste à pressentir dans le chaos, dans le dérangement, une nouveauté créatrice et il se met en œuvre pour convertir l’ancien en neuf.
Ne sentez-vous pas en vous la nécessité de comprendre ce qu’apporte cette nouvelle situation sociale et d’en tirer des leçons pour changer votre avenir ?

Le cerveau humain a besoin de sécurité et d’ordre pour fonctionner et survivre, mais le chaos est créatif pour lui. Si le présent devient chaotique, il doit trouver la sécurité en s’appuyant sur le savoir du passé et sur l’ingéniosité du futur.

Le savoir, qu’il soit biologique, technique, philosophique, vient de l’expérience. C’est donc dans le savoir qu’il y a la sécurité et le savoir c’est le passé.

L’homme ne peut rester prisonnier cependant du passé et il a toujours aspiré à la liberté.
De quoi parle un prisonnier ?
De la liberté, de Mokṣa मोक्ष, de Nirvāṇa निर्वाण.

Nos prisons de vie actuelles ne sont pas les libertés auxquelles nous aspirons en notre for intérieur.
Dans les libertés auxquelles nous aspirons, nous y voulons de la joie, de la beauté, de l’action, du changement, de la découverte, de l’amour. Si votre vie actuelle devient une continuité répétitive et mécanique, vous vous voyez forcé d’inventer un idéal, une libération, un paradis.
Vous vous mettez en quête.
Quand les hommes cherchent une sécurité dans l’avenir, ils peuvent inventer un dieu, une vérité, découvrir l’altruisme, entreprendre une grande réalisation, une construction, une reconstruction.
Mais il ne peut se hisser vers cette libération sans ancrage dans le passé, dans le savoir. Cet ancrage est biologiquement nécessaire.

Bien sûr, le savoir engendre aussi à un autre niveau la division.
Le connu et l’inconnu, le savoir du passé, le savoir d’aujourd’hui et de demain sont des savoirs facteurs de division.
Quand on voit dans son entier la structure du savoir avec sa sécurité mais aussi à la fois ses facteurs de divisions, alors on comprend sa nécessité biologique et sa double nature d’unification et de division.
C’est là qu’on perçoit la servitude du temps et notre besoin de liberté.
L’homme pressentirait-il une sécurité autre dans une liberté supérieure ?

D’un point de vue métaphysique, oui bien sûr. C’est le propre de la quête spirituelle.

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Vivre sa carnation temporelle en trouvant la liberté de Ātman आत्मन्, de l’âme.

Mais cette liberté, si elle semble se situer sur un plan supérieur, au-delà comme le stipulent les religions, ne signifie pas qu’elle se trouve à l’extérieur.
Pour le yogi, la liberté est ici, à l’intérieur de vous.

La totale liberté est ici-même.

Elle est donc là, même dans cette situation de pandémie.

Mais pour la vivre ainsi, pour la réaliser, il faut comprendre le passage du relatif à l’absolu, de l’homme imparfait au sage.
Pour le yogi libre, pour le yogi réalisé, le Jīvan-mukta जीवन्मुक्त , il sait qu’il est Brahman ब्रह्मन्, l’unique immense océan qui produit les vagues innombrables et éphémères, les cycles de la manifestation, et non une petite vague séparée des autres.
En tant que Brahman, il est tous les phénomènes.
Rien n’est qui ne soit pas lui.

Tant que subsiste la conscience de la séparation, de n’être qu’une individualité distincte des autres hommes et du reste de l’univers, toute l’existence est vécue dans la perception du moi et du non-moi à travers les émotions plaisantes et déplaisantes.

C’est cela la servitude dont parle les sages. Ils nous invitent à nous en libérer.

En restant soumis à ce mécanisme, l’homme donne pouvoir sur lui-même aux circonstances extérieures. Il est attaché et esclave.
Personne n’aime que quelque chose ou quelqu’un se dresse devant lui et lui dise : Non !

Le virus vous dit : « Non ».
Et vous, que vous dites-vous intérieurement ?

Tant que vous direz non intérieurement à ce qui arrive, vous alimenterez l’influence de la situation extérieure sur vous par effet de forces d’équilibrage.

Quand l’homme, un jour, ressent en lui-même, le sentiment nouveau et se dit intérieurement, « Tout cela est au-dessous de ma dignité », ce jour-là, le chemin de l’être s’ouvre devant lui et en lui.

Ce jour là, il peut dire « Oui » à ce qui arrive tout en restant libre.

Hari om tat sat
Jaya Yogācārya

Bibliographie :
« Monde moderne et sagesse ancienne « d’Arnaud Desjardins aux edts la Table ronde.
« Tradition et révolution « de Krishnamuti aux edts Stock.
Adaptation et commentaire par Jaya Yogācārya.

Messages

  • Merci Chère Guide,
    De défendre la liberté spirituelle par votre courage et votre détermination quotidienne, guidant avec sagesse en toute humilité nos âmes inexpérimentées dans
    le sillon lumineux que vous oeuvrez à tracer sans faillir.
    Vive la liberté !!

  • Si le guide est libre, les élèves le sont aussi.
    Merci Nicole de votre constance dans la pratique.
    Jaya

  • Nous avons vraiment beaucoup de chance, dans cette situation si particulière et étrange, si inconfortable car très incertaine,
    d´être accompagnés par vous, chère Jaya qui en effet, gardez le cap quoi qu’il advienne, et maintenez nos lanternes éclairées sur ce chemin de la liberté.
    Pour faire écho à vos propos, une pensée du fameux philosophe Blaise Pascal :
    « Divertissement. Quand je m’y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, j’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place, (...) et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir. Mais (...) après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir les raisons, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de près. Sans cela nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d’en sortir, mais le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort."
    Blaise Pascal, Pensées, B 139, (1670).
    Mille mercis.
    Cécile.

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