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"L’Oreille suprême"

« L’Oreille suprême »

Conférence donnée par Jaya Yogācārya en cours de méditation du 10 mars 2017

Nous allons reprendre notre étude du Śabda शब्द en tant que son fondamental.

Nous avons approché la structure du langage des dieux, longuement parlé de la hiérarchie des trente six tattva तत्त्व et de leurs équivalents sonores.
voir "Paśyantī, le son de la pensée"
Nous allons rappeler leurs cinq premiers grands principes qui sont, si vous vous en souvenez :

 à Śiva tattva शिवा, le 1er dans l’ordre de l’évolution, la conscience absolue, correspond le Parā परा qui est l’émanation du son suprême et subtil.

 à Śakti tattva शक्ति , son équivalent dynamique, l’énergie, correspond Paśyantī पश्यन्ति, l’émanation du son un peu moins subtile mais encore non différenciée.

 à Sadāśiva tattva सदाशिव qui représente l’étape où la puissance du désir de la manifestation prédomine par Icchā śakti इच्छा , correspond Madhyamā मध्यमा, l’émanation du son qui est un peu plus grossière et différenciée.

 à Īśvara tattva ईश्वर qui représente la puissance de la connaissance par Jñāna Śakti ज्ञान, correspond Vaikharī वैखरी. Ici, le son prend deux formes, subtile et grossière.

 à Śuddha vidyā tattva शुद्धविद्या, la puissance de l’action kriyā Śakti क्रिया correspondent Varṇa वर्ण les lettres, Padā पाद les syllabes et Vākya वाक्य les phrases manifestées.

Parā qui demeure dans le Śiva tattva est le premier état de Śabda. On l’appelle aussi Nāda tattva. नादतत्त्व.
Paśyantī représente Śakti tattva est plus connu sous le nom de Bindu tattva.बिन्दु.

Paśyantī est le terme sanscrit qui désigne ce qui est « vu ». Il est dérivé du mot "paśya" signifiant « voir » et "paśyat" signifiant « voyant » ou « bruit particulier ».
En philosophie indienne, l’individualité, qui est le premier niveau de la personnalité et la graine de toutes les pensées, des discours et des actions est aussi appelée « Paśyantī », signifiant « Cela qui est témoin ».

Dans l’univers, tout est composé de forces matérielles mobiles. Même ce qui semble stable est en mouvement, bien que ces forces soient quelquefois maintenues ensemble comme un tout, jusqu’à ce qu’une intention les perturbe ou les anéantisse. La matière apparaît comme une forme relativement stable de l’énergie cosmique. Parce que tout est en mouvement, le monde est appelé Jagat जगत् ou « ce qui se meut ». « Tout est mobile à la différence du Brahman ब्रह्मन् immuable. »

Ce mouvement qu’est le monde est perçu par l’homme sous forme de son, par le toucher, les sentiments, les formes et leurs couleurs, le goût et l’odeur. Ce mouvement du monde agit sur les sens Jñāna Indriya ज्ञानइन्द्रिय, le corps physique et ses organes de l’action Karma Indriya कर्म इन्द्रिय , et enfin le mental Manas मनस्. Tous sont d’ailleurs eux-mêmes en mouvement.
Tout mouvement est donc accompagné de son.

Le mouvement est perçu par l’oreille et l’esprit comme un son, tout comme est perçu par l’œil, la forme et la couleur, et par la langue, le goût.
Dans les notions indiennes, Jñāna Indriya, l’organe des sens n’est pas que l’organe physique de l’oreille, ou de l’œil. Il est la faculté du mental de fonctionner à travers cet organe comme à travers un instrument.

Les organes physiques sont les moyens ordinaires par quoi, sur le plan physique, les fonctions de l’ouïe et autres sont accomplies. Elles sont en soi déjà fabuleuses, mais elles restent pour les yogis, de simples instruments et leur pouvoir découle du mental.

C’est pour cela qu’un sādhaka साधक peut accomplir par le mental seulement, tout ce qui peut être fait par les organes physiques, et davantage même, sans recourir à ces derniers.
Par exemple, un sujet hypnotisé peut percevoir des objets sans les supports concrets matériels.
La suprématie du mental est montrée par le fait qu’un objet n’est pas perçu sans que le mental ne lui prête attention.
Ne dit-on pas ; « Mon mental était ailleurs, je ne l’ai pas entendu ! ».

Puisqu’un mouvement est accompagné d’un son, pouvons-nous supposer entendre le son produit par exemple, par l’impulsion génératrice d’un feu ? Ce qu’entendra notre oreille ordinaire est le crépitement ultérieur du feu, mais pas sa génération.
Un autre exemple pour mieux saisir :
"Pourrions nous entendre les forces constituant la montée de la sève dans un arbre ?"
Cette perception finalement permettrait de comprendre le processus naturel de cette fonction végétale.

Ce que les yogis appellent le « nom naturel  » des choses, dans son sens le plus pur, est le son produit par l’impulsion génératrice (à savoir la śakti) ou les forces constitutives de cette chose et qui n‘est pas un son perçu par l’oreille ordinaire.

L’oreille ordinaire perçoit à l’intérieur de ses limites et est soumise à des conditions.
L’oreille qui peut percevoir le processus de la Śakti à l’œuvre est appelé l’Oreille Suprême et infinie, qui perçoit sans condition un son qui est un son en tant que tel.
Par « Oreille suprême », nous entendrons le pouvoir de la Śakti à percevoir un son en lui-même ou comme tel, sans contrainte aux conditions matérielles de temps, de lieu et de personne.
L’Oreille suprême est donc l’oreille capable d’entendre l’impulsion causale d’un objet.
Ainsi, les sages parlent du « nom naturel d’un objet » lorsque l’ "Oreille suprême » peut en entendre son son.
Le langage naturel, dans son sens le plus haut est exclusivement un langage de noms naturels. Pour l’oreille ordinaire, un objet n’a donc pas de nom naturel. Le mental doit lui en donner un. Il sera associé au son fournit par l’objet lui-même sous l’action d’un stimuli.
Pour un yogi, chaque chose peut être perçue en deçà ou au-delà du bruit audible interactif qu’elle produit avec le monde. Chaque chose a en soi , sa propre signature vibratoire, intrinsèque et relevant de sa propre émanation par la Śakti elle-même.

Là se pose le problème du Mahāmantra महामन्त्र Védique, le célèbre Bīja mantra OM ॐ. Il reste le praṇava प्रणव des Veda वेद, le premier son. Le Om est supposé avoir été perçu par les ṛṣi ऋषि, les sages contemplatifs.

Est-il un nom naturel ?

Dans les Śāstra शास्त्र, on parle du "nom naturel approximatif", c’est-à-dire de l’impulsion causale entendue par un yogi et transmise imparfaitement par lui. Nous disons « imparfaitement », parce qu’elle est transmis par un agent imparfait l’oreille grossière ou la lange grossière, ou entendu par les mêmes agents limitatifs.

Il est dit dans les textes ; Prajāpati प्रजापति, géniteur issu du dieu créateur Brahmā ब्रह्मा, entend le son causal par sa suprême oreille (qui n’est donc pas physique) et l’émet par sa suprême langue (qui n’est toujours pas physique) pour son sādhaka, qui l’entend un peu imparfaitement. En lui, le son primordial est quelque peu occulté. Par la sādhana साधना, à savoir a pratique yogique et méditative, le yogi atteint la suprême oreille, soit il s’arrête au seuil.

Dans cette explication, les sons primordiaux descendent donc à nos plans relatifs où les sons causaux de nombreux objets n’y sont pas représentés, et ceux qui le sont, le sont conformément aux conditions des oreilles relatives et des langues relatives.

Selon le Mantra-Śāstra मन्त्र शास्त्र, les Bīja -Mantras बीज मन्त्र approximativement sont les « noms naturels ». Ainsi, l’impulsion causale du feu est un son entendu par le yogi dont on dit qu’il est représenté pour l’oreille relative ordinaire pat le son ou Bīja raṃ रं .

Une fonction vitale sous l’action de différents stimuli, produit des sons variés dont quelques uns sont entendus par l’oreille ordinaire, mais le son causal d’une fonction vitale comme la respiration est représenté en yoga par le Prāṇa-Bīja प्राण बीज " Haṃsa " हंस. Si on fait attention à la respiration, on trouvera que l’expiration a la forme de la lettre Ha ह et que l’inspiration, celle de la lettre Sa स. Il n’est pas possible d’inspirer et de dire la lettre Ha, car elle est expulsée par l’expiration.

Il en fut ainsi avec « Om ». L’énergie créatrice à partir de laquelle s’est développé le monde est Śabda, un son (Nāda) immense pour l’Oreille suprême, mais aucune oreille finie ne peut l’entendre parfaitement, et aucune langue finie ne peut l’émettre parfaitement.

Aujourd’hui, l’approche scientifique et ses instruments sophistiqués "lui court après" si l’on peut dire et s’en approche, tout comme l’on fait les yogis depuis des milliers d’années avec leurs propres outils yogiques.

Le son qui est venu à nous sous la forme « OM » ou « AUM » ॐ ne peut être un nom naturel du processus créateur au plein sens du terme, dit A.Avalon, mais comme il est venu d’une lignée de Maitres dont chacun s’est plus ou moins approché du son pur dans son expérience personnelle, il est en pratique pris comme un "nom naturel" approximatif d’une action créatrice initiale. C’est un son ouvert, continu, ininterrompu par aucun consonne qui l’enserre, se résorbant dans le Nāda bindu qui est placé au-dessus de lui, à savoir l’anusvāra अनुस्वार (le point bindu se plaçant au-dessus d’une syllabe). Les mêmes observations s’appliquent aux Bīja-mantras en général et à ceux des autres Cakra चक्र.

Le son produit par une impulsion causale, Śabda est donc une impulsion qui peut ou ne peut pas, atteindre le normal d’une conscience. L’expérience d’un objet du monde est une expérience partielle d’un système infini. Mais le système infini ne peut jamais être délimité par ces parties.
Pour connaître un nom naturel d’une chose par la perception yogique de son Śabda intrinsèque, un yogi a deux stratégie pour le vérifier ;

 1) L’impulsion causale d’un objet produisant un son (un Bīja disons,) cette impulsion peut être vérifiée par le Yoga योग et l’écoute méditative aiguisée.
L’objet étant donné, un son se déploie.

 2) Le son émis à plusieurs reprises et harmonieusement, c’est-à-dire par exemple dans le Japa जप d’un Mantra, crée ou projete dans la perception, l’objet correspondant.
Le son étant donné, l’objet se déploie.

La qualité « shabdique » d’un mantra est une composante importante de son efficacité, et cette efficacité ne devient vraiment active que lorsque le mantra est récité par un Maître de la visualisation yogique. C’est pour cela que les Maîtres hindouistes du mantra-yoga ont la réputation d’attacher une importance à la justesse du son et de la vibration, à la façon dont un mantra doit être prononcé et certains mantras sont gardés secrets afin que leur puissance ne tombent dans des consciences inexpertes.

L’esprit issu de l’univers est le divin-son, Śabda Brahman et les myriades d’objets remplissant cet univers sont les créations du son ou de Śabda. L’aspect féminin du divin sera évoqué à l’aide de la parole (principe actif) et l’aspect masculin du divin sera approché par le silence (passif). L’énergie créatrice divine donne naissance au corps subtil du son ( (Śabda), lequel à son tour devient une vague que l’on peut entendre. En un certain sens, l’univers dérive du son Om, considéré comme la totalité des sons, le bindu original du processus créateur. On sait qu’il est le fruit de la fusion Śiva-śakti, conscience-énergie.

Il y a quatre plans du Śabda  :

 celui qui n’est ni son ni silence mais les transcende tous les deux ;
 celui qui ne peut être entendu ni même imaginé mais seulement expérimenté dans un état de conscience yogique ;
 celui qui peut être imaginé mais pas entendu, car il ne se manifeste que dans le rêve et la vision ;
 celui qui est parole et simple bruit.
A l’aide du mantra Aum, les sages vous disent que l’on peut revenir du quatrième au premier plan.

Cela signifie surtout, que ce n’est pas le pratiquant qui crée le son Aum pour atteindre le Divin, mais le yogi qui capte la vibration subtile et semi-cosmique du Aum primordial et déjà existant, omniprésent, en le faisant descendre en lui dans son espace-temps du moment. A vous de développer le grand pouvoir d’écoute pour rejoindre l’Oreille suprême.
Hari om tat sat
Jaya Yogācārya

Bibliographie :
« Les mantras ou la puissance des mots sacrés » « de John Blofeld aux edts Dervy
« La doctrine du Mantra « de Arthur Avalon aux edts Orientales
Commentaire et adaptation de Jaya Yogācārya

Messages

  • Très chère Jaya
    J’aimerais encore redire toute ma gratitude au guide spirituel.
    Lors de cette méditation, je n’ai pu réaliser l’exercice et entendre le son suprême. Mais, j’ai pris conscience du silence très présent dans la salle ; faisait-il écho au silence de l’univers ?
    Et dans ce profond silence où le ventilateur rappelait inlassablement sa présence, à défaut de percevoir le bruit de la sève qui monte, le son suprême, ce sont les battements de mon cœur que j’entendis résonner ; était-ce le son de la vie ? Était-ce cela que je devais entendre dans la tige de ma rose ? Etais-je en contact avec cette fleur .... ? Avec la vie ?
    Peu importe si je réussissais ou non l’exercice. L’émotion était là, profondément vibrante.
    Je sentis alors une gratitude infinie pour ce guide qui avec son grain de folie nous permet de prendre le temps d’observer, d’écouter (le silence, le monde, nous-même !), d’expérimenter et peut être de transcender. Ce guide qui un vendredi sur deux, nous invite à nous asseoir et à nous connecter aux réseaux subtils de la vie. Pas seulement un vendredi sur deux, mais chaque mardi ou jeudi soir ou chaque samedi matin dans le kriya yoga....
    Alors je réalisais combien il faut avoir un profond amour pour cette science mais aussi pour les élèves pas toujours disciplinés que nous sommes ; pour revenir chaque jour, chaque semaine, chaque mois, depuis des années et nous proposer à nouveau, un voyage incroyable dans un espace-temps extra-ordinaire où nous pouvons tutoyer l’infini.

    Cette méditation résonnera encore longtemps dans mon silence.
    MERCI.
    Cécile.

    • Le bel hommage du chercheur spirituel que vous êtes à l’encontre de votre guide est à la hauteur de votre pratique. Puissé-je en retour honorer votre intelligence sensible, l’authenticité de votre quête faite depuis tant d’années dans la patience et le silence, la régularité et la détermination, la puissance et la luminosité.
      Un vrai chercheur spirituel viendrait pratiquer même avec des béquilles, intégrant ainsi l’offrande et le sacrifice permanents qui lui sont offerts.
      Vous êtes de ceux-là qui cherchent, trouvent et transcendent.
      C’est la voie des courageux et des confiants en la beauté du yoga.
      Ils sont chers à mon cœur. Sans eux, l’enseignement n’aurait d’écho et ne pourrait éclore sans le terreau de leur considération et de leur amour.
      Prenons donc soin de nous, de nos intelligences et de cette belle science éternelle qui nous unit.
      Hari Om
      Jaya Yogācārya

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