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"L’ère de la postverité"

Je cherchais l’autre jour, lors d’une lecture, la signification du mot néotribal,
bien qu’il soit en apparence, aisément compréhensible.
Entre les designs et les pratiques du tatouage, je tombai enfin sur la définition suivante :
« qui est relatif à une forme contemporaine de communauté ou de groupe social qui s’inspire de structures tribales traditionnelles, souvent caractérisée par des pratiques culturelles distinctives et un sentiment d’appartenance partagé. »

Les pratiquants de yoga actuels et le yoga contemporain formeraient-ils une telle communauté ? Dans un sens très large, nous parlerons en effet de communauté pour tel groupe social dont les membres ont des intérêts communs.

1-image IA de jaya

Depuis les temps anciens, autant en occident qu’ailleurs, il y eut toujours des groupes
de personnes se définissant par telle nouvelle démarche religieuse, spirituelle, ésotérique, politique, symbolique, scientifique, littéraire, artistique, révolutionnaire, etc. et qui prônèrent des nouveaux concepts ou des concepts anciens modifiés. Ils oscillèrent bien souvent avec des tonalités politiques allant de l’extrême droite à la gauche mais pas que.
Aujourd’hui encore et partout dans le monde, des milliers de groupes de gens se réunissent au nom d’une quête.
Parfois, dans le lot, certains groupes en effet, dérapent ou dérapèrent ...(néopaganisme des pays du nord amenant à l’extrême droite, les sectes américaines du new âge du XXe s, etc.)

Dans la tradition ancienne indienne, les yogis appartenaient à des écoles, des lignées, voire des groupes à part de la société. L’enseignement était réservé aux plus compétents ou aux aspirants les plus fervents.
Il y eut aussi des dérapages dans certaines sectes Sivaïtes et tantriques extrêmes.

Alors que la tradition de maître à disciple se dissout de plus en plus, l’accès à ces pratiques ésotériques est à présent possible à un plus grand nombre. Les pratiquants d‘aujourd’hui sont face à une immense mer de formations possibles, de cours divers et variés, de savoirs revus et corrigés, bien souvent sans lignée.
Je pensais alors, avec un œil dubitatif, à certains personnes qui s’affublent de signes ostentatoires d’appartenance yoguique voire archaïques ou hindoues lorsqu’ils pratiquent le yoga, souvent d’ailleurs, lors des premières années de pratique. Il y a parfois chez eux, le désir de prendre les signes extérieurs de reconnaissance folklorique indienne. Tenues vestimentaires, mālā माला, tatouages, etc.

J‘en vins alors à me questionner sur la nature de notre propre groupe de yoga et à identifier si nous serions dans cette même démarche avec nos belles tenues blanches.
De l’extérieur, on pourrait le croire...par exemple, en loge maçonnique, les gants blancs n’ont rien de diabolique.

3 - Méditants du Centre Jaya

Nous sommes un groupe qui pratiquons des techniques yoguiques dont les racines sont millénaires mais nous sommes aussi des êtres contemporains dans la pleine réalisation de notre actualité. Si nous sommes un groupe de travail spirituel, nous ne sommes pas une communauté au sens négatif où l’on pourrait l’entendre et chacun rentre chez soi après la pratique et mène sa vie comme il l’entend.
De tous temps, nous eûmes la préoccupation de ne pas emmener le centre Jaya sur une voie tangente en laissant toute liberté vestimentaire de pratique et toute liberté initiative par rapport à la pratique de chacun et de ses croyances. Nos élèves, tout comme nous, restent dans cette discrétion élégante qui fait d’eux des pratiquants de haute qualité, agissant par leurs actions et leur état d’être sans aucun signe de reconnaissance ostensible dans leur vie quotidienne.

L’existence de nos tenues blanches non imposées, a une signification symbolique en rapport avec la science du kriyā yoga que nous pratiquons et au symbole du cygne blanc ParaHaṃsa परमहंस. Dans cette science de l’éveil de l’énergie et de la supra-conscience, l’oiseau illustre l’état de haut pouvoir de discernement, référencé à l’Ājñā cakra आज्ञा चक्र, le point inter-sourcilier.
Une fois ce stade atteint, par l’activation du cakra en question, (cortex préfrontal), ParaHaṃsa est apte à voler vers les contrées où l’homme ordinaire ne va pas. C’est là toute la symbolique illustrant le fait que les pratiques avancées yoguiques et méditatives nous amènent vers des états modifiés de conscience. C’est lorsque l’élève développe un certain niveau de pratique qu’il peut éprouver le besoin de cette tenue blanche le temps des pratiques.

Revenons au monde ordinaire et contemporain qui nous définit.

La mentalité postmoderne de notre société actuelle est caractérisée par la postvérité,
concept selon lequel nous serions entrés dans une période appelée « ère de la post-vérité » ou « ère post-factuelle ». Cela signifie, qu’aujourd’hui, l’opinion personnelle, l’idéologie, l’émotion, la croyance l’emportent sur la réalité des faits. Ainsi, chacun peut cultiver son propre méta-discours et ce principalement par les réseaux sociaux.
D’où, dans cette marée de l’information, un nombre grandissant de « fake news » et de « fake pictures ».

2- image IA de Iaya

Lorsqu’ aujourd’hui, un guide contemporain vous parle de sagesse, particulièrement sur les réseaux, sur quoi l’idéologie de son méta-discours s’appuie-t elle ?

«  Le monde numérique a sa logique intrinsèque », nous dit Daniel Cohen.
Autrement dit, les discours qui passent par lui vont être imprégnés de sa couleur, du rouage de ses algorithmes et de ses lois de marketing afin de toucher un plus grand nombre. Cela commencera par la brièveté des messages censés contenir une ou plusieurs vérités !
Ces messages, par exemple, s’il sont visuels, « ne doivent pas excéder plus de 10 à 20 secondes pour capter l’attention et favoriser la viralité. Jusqu’à 30 secondes si le contenu est plus immersif ou explicatif. Et exceptionnellement, jusqu’à 60 secondes, lorsque la séquence a une vraie valeur ajoutée (témoignage, moment fort, démonstration) », nous dit notre nouvelle amie Séverine, qui s’occupe de notre com sur méta.

La dégradation du propos métaphysique yoguique complexe en vue de vulgarisation et l’aptitude réduite d’un grand nombre de personnes à maintenir la concentration et donc l’écoute, ne peuvent que transformer la réception d’un message important dans les plateformes d’informations médiatiques.
Toutefois, l’essence même du message aurait pu ne jamais parvenir à un plus grand nombre. Avec les 80 % de perte de l’essentiel d’un message par le récepteur lambda,
quel savoir métaphysique et spirituel circule en fait dans la tête de nos contemporains sur les réseaux sociaux ?
Vous objecterez alors que le vrai savoir ne se trouve pas là mais dans les bibliothèques et dans la tête des chercheurs qui ne surfent pas !
Cela est vrai en partie, mais au vu de l’omniprésence de l’IA aujourd’hui dans tous les domaines, celui de la culture n’échappe pas à son imprégnation peu objective. Il peut en découler un savoir filtré, « algorithmé », voire transfiguré.

C’est pour cela d’ailleurs, que les informations yoguiques rencontrées le plus souvent sur le web sont des visuels de postures performantes et très belles, car impact visuel assuré et message rapide et démonstratif. Rarement, ces informations sont des concepts fondamentaux métaphysiques yoguiques. Lorsqu’elles y prétendent, elles n’échappent pas à l’idéologie grand public du new âge­ constitué des concepts de l’instant présent, du lâcher prise et la bienveillance - devant un coucher de soleil de préférence - comme nouvel art de vivre.

Ce sont des concepts protohistoriques et transcendés dans la démarche d’un chercheur spirituel.
Les pratiquants avancés de yoga peuvent se sentir si loin de tout cela !

Le propos du monde du web semblait au départ être une promesse d’une délibération démocratique véhiculant l’idée de partage et du vivre ensemble.
Mais, la nature humaine étant ce qu’elle est, le nerf des réseaux sociaux, bien qu’il reste l’argent en voie souterraine, est, en avant-scène, le spectaculaire et la promotion de son individualité égotique.

Qui dit égotique, dit détestation de ce qui n’est pas soi.

Or, le web est devenu aussi un lieu de cette détestation de l’autre. C’est une cour des miracles qui montre tout ce qu’il y a de plus abject du comportement humain ; torture, jeux de rôles mortels, manipulations perverses, violences raciales, sexuelles, etc. ,
quand ce n’est pas la superficialité poussée à son extrême.

Bref la bêtise dans son plus vil apparat !

Alors, dans le défilé des réels, entre la recette au boudin sucré, la dernière façon de mettre sa chemise à l’envers, le viol d’un enfant suggéré, un chat faisant ses courses en IA, les derniers ovnis aperçus, des fake news de danse Trump /Macron, apparaissent beaucoup de réels post new âge.
Puis, parfois, quelques philosophes ou épistémologues, quelques scientifiques ou astro physiciens viennent relever le propos.
C’est un peu comme si nous étions, dans ce monde-là, dans une décharge sauvage d’un pays sous-développé y cherchant des pépites d’or.
Parfois, on y rit aussi.
Le bon sens nous dira alors qu’il vaut mieux écouter des bons podcasts culturels ou lire un bon livre papier.
Certes, mais ce monde l’information gargantuesque est bien là et a déjà passé nos portes.
Les influenceurs se mettant en avant par selfies et mise en scène montrent à la fois un aspect idéalisé d’eux-mêmes, le plus beau possible tout en étant capables de menacer quiconque les contrediront ou faisant l’objet des critiques les plus acerbes et anonymes. Toutes les pulsions humaines trouvent là terrain à s’exprimer.
Les créationnistes par exemple peuvent être menaçants sur un site de vulgarisation scientifique. Quel que soit le domaine, il y aura toujours des contradicteurs virulents sous couvert d’anonymat de préférence.

C’est donc prendre le risque de s’exposer à la bêtise que de se promouvoir ainsi par ces supports de l’information, devenus hélas incontournables pour l’activité économique.

Il est d’autre part, un comportement répertorié par les spécialistes qui est la pensée moutonne, voire les « comportements moutonniers ».
On constate en effet, que les opinions qui arrivent à s’imposer sur les réseaux sociaux d’un(e) tel(le) supposé(e) expert(e) et quelles que soient ses réelles compétences fait taire du haut de son expertise supposée, une multitude de points de vue qui auraient pu avoir pertinence à être entendus et aptes à contrecarrer.
Il y a donc bien souvent des ralliements idéologiques de personnes isolées à des opinions dominantes, car jugées de qualité, alors qu’elles ne le sont pas forcément.
Cela se voit beaucoup en politique, mais quand il s’agit de jeunes générations qui adhèrent à n’importe quoi au détriment de leur sécurité ou liberté de penser, cela devient plus dangereux.

Alors revenons à ma question précédemment posée :
« Lorsqu’ aujourd’hui, un guide contemporain vous parle de sagesse, particulièrement sur les réseaux, sur quoi l’idéologie de son méta-discours s’appuie-t elle ? »

La sagesse n’est pas explicative et n’a pas à faire de discours.
Elle est un état d’être, un état ayant transcendé ses illusions et ses limitations. Elle est une expérience comprise et acquise.
Un bon orateur peut tenir un discours d’évidence pour amener son auditoire à l’adhésion de sa conclusion. C’est ce que tout enseignant fait, c’est ce que je fais aussi, dans le respect de l’ éthique yoguique lorsque j’analyse la place pertinente du yogi dans notre monde contemporain.
On peut donc tenir un discours de sagesse avec des vérités universelles mais ne pas être pour autant l’incarnation de cette sagesse.
La sagesse nécessite un long apprentissage des lois universelles qui nous gouvernent et une grande connaissance de la nature humaine. Mais cela ne suffit pas.
Elle nécessite de transcender vers un état de total détachement et cela ne relève plus de l’intention mais de l’expérience directe.
Pour le yogi, de l’expérience de la fusion entre l’énergie et la conscience afin d’atteindre un plan de supra-conscience.
Cette connaissance parfaite de l’humain ne se fera jamais par le biais numérique par réseaux interposés mais par la relation directe humaine et sensible, et plus encore par le relation de soi à soi, de soi au divin.
Et cela ne regarde pas les réseaux.
Hari Om Tat sat

Jaya Yogācārya

Bibliographie :
 « Homo numéricus » de Daniel Cohen aux Edts Albin Michel
 Commentaire de Jaya Yogācārya

©Centre Jaya de Yoga Vedanta La Réunion & métropole

Remerciements à C. Pellorce pour ses corrections

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