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Le seuil de satisfaction

Malgré notre appartenance à des hémisphères géographiques différents, nous arrivons toujours à nous retrouver avec beaucoup d’amitié, d’enthousiasme à l’idée de continuer ensemble ce chemin délicat de la pratique spirituelle yoguique et que nous arpentons depuis plusieurs décennies.
Dans cette foison actuelle de cours de yoga autant en métropole qu’à la Réunion, nous sommes toujours là avec notre spécificité d’un yoga traditionnel issu d’une lignée de yogis. De plus, nous enrichissons celui-ci d’une réflexion sur le monde contemporain. Nous essayons ainsi d’être un pont, une humble porte pour maintenir le yoga dans ses lettres de noblesse, dans un monde où il est souvent revisité, adapté et parfois défiguré.

Toutefois, le yoga de demain sera forcément différent de celui d’hier.

D’une part, parce que les hommes et femmes ont changé sur beaucoup de plans,(physiques, mentaux, psychologiques, intellectuels, religieux, économiques, etc.).
D’autre part, parce que l’avènement d’un monde hyper technologique où le virtuel et l’IA deviennent omniprésents, changera davantage et de façon encore imprévisible, la donne intellectuelle et mentale de l’humain.

Devant ce dilemme entre tradition et innovations, les pratiquants ne doivent pas oublier qu’ils sont avant tout des êtres du XXIe siècle qui peuvent savoir interagir de façon optimale avec ce monde présent. Tout en tentant de s’approprier le patrimoine universel de la sagesse ancestrale - sagesse obtenue à force de patience et d’épreuves, de réflexion et d’expériences de leurs prédécesseurs - il est du pouvoir à ces mêmes pratiquants, non seulement d’incarner cette sagesse mais aussi de la porter en première ligne sur les fronts abruptes de l’immaturité de nos contemporains.
Nul besoin cependant de partir en croisade.

Inutile d’ailleurs pour eux de jouer uniquement au sage qui donne les conseils que lui seul peut suivre, ne fonctionnant que dans son sanctuaire de silence et de verdure - certes incontournable lieu de vie idéal pour puiser à la source de son soi. Il est recommandé qu’ils soient aussi en interaction avec le monde et ses habitants afin que les clés soient données à un grand nombre. Pour donner des clés millénaires à un être hyper connecté d’aujourd’hui, souvent connecté à tout mais à rien d’essentiel, il va falloir à ce même sage ou ce guide, bien des astuces adaptées à la mentalité d’aujourd’hui.
Assurément, savoir ramener ce contemporain à l’essentiel.

Le support du guide pour passer les clés de la connaissance spirituelle passe par l’apprentissage.
En premier temps, par l’apprentissage des techniques qui agissent sur le corps en vu d’une meilleure santé et d’un mieux-être. Le mieux-être obtenu par les sensations et les sentiments de ces sensations. Mais l’apprentissage va se faire aussi par l’esprit afin que ce dernier puisse avoir des expériences de conscience plus étendue, plus élargie.

Selon le neurologue Larry Squire, il y aurait deux types d’apprentissage.

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L’apprentissage déclaratif conscient qui peut être expliqué par des mots. Exemple : l’apprentissage des règles d’un jeu. Il y a là, matière à enseigner donc déclarée à autrui et apprise.
L’autre type d’apprentissage est le non déclaratif, qui correspond en général aux compétences et habitudes acquises sans que l’apprenant soit conscient du processus.
Exemple : apprendre à voir. La capacité de voir est innée chez une majorité.
Il nous est facile de voir un sentiment chez le visage de quelqu’un, mais nous sommes incapables de verbaliser spontanément cette connaissance et fabriquer des
machines aptes à émuler le processus.
Ainsi, apprendre à marcher procède d’un long apprentissage implicite qui s’acquiert au terme d’une pratique assidue. Malgré le côté procédural et implicite, cet apprentissage ne nécessite pas d’instructions. Et pourtant, des aspects de cet apprentissage nécessitent un contrôle conscient.
Il en est de même pour la respiration. Elle est à la base un processus complètement inconscient et nous n’oublions pas de respirer. Toutefois, nous sommes capables jusqu’à un certain point, de contrôler consciemment notre respiration, son rythme, son volume, son flux.
C’est sur cette maitrise de la respiration, fonction corporelle qui relie conscience et inconscient que s’appuient les pratiques méditatives et autres exercices du yoga tels les prāṇāyāma प्राणायाम, et qui se servent universellement de cette passerelle pour apprendre à diriger sa conscience dans de nouvelles directions.
Mariano Sigman nous dit ceci :
« Un concept fondamental pour comprendre jusqu’à quel point nous pouvons améliorer nos performances dans un domaine donné est appelé le seuil de satisfaction.
C’est le niveau auquel tout semble aller bien ! »

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Taper sur un clavier est laborieux au début et nécessite notre attention puis cela devient spontané et autonome, ce qui nous permet de passer à la réflexion du texte que l’on tape.
Ce que les neuroscientifiques ont constaté, c’est qu’une fois que nous avons atteint ce niveau de compétence, même si nous tapons tous les jours et longtemps, nous cessons de nous améliorer.
La courbe d’apprentissage ne grimpe plus et se stabilise.
Cela ne signifie pas que nous avons atteint notre limite et nous pourrions apprendre encore beaucoup plus, ne serait-ce, dans cet exemple-là, que taper plus vite et donc plus de mots à la minute.
Nous stagnons donc très loin de nos performances maximales.
Nous restons dans une zone de confort dans laquelle nous trouvons notre équilibre. Nous percevons bien que nous pouvons nous améliorer mais nous ne voulons plus faire l’effort que cela demanderait.
C’est cela le seuil de satisfaction.

Dieu sait si en postural, où cela est démonstratif, beaucoup d’élèves fonctionnent ainsi, alors que dans les pratiques plus introspectives, tels la méditation ou kriyā क्रिया, le professeur de yoga peut avoir plus de difficultés à percevoir l’évolution de leur pratique. Souvent, ce sont les changements comportementaux et les témoignages qui l’aident à cela.
Bon nombre stagnent incognito !
Or, votre marge de progression est bien réelle et seul, l’effort à faire, apportera le fruit désiré.

Et cela se vérifie dans tous les apprentissages de l’existence.
C’est ainsi que les sportifs de haut niveau au fil des décennies ont augmenté leur performance et les records olympiques par exemple, ceux de 1925 et ceux de 2025 montrent qu’ils n’ont pas stagné. Ils se sont entrainés.
Pour information, record olympique du sprint 100m
1908 10 sec 8 dixièmes, 2009 9 sec 8 dixièmes.

Il en est de même en musicologie. Des partitions qui semblaient injouables pour cause de difficultés techniques (de certains classiques) sont jouées à présent. Ce qui permet à la race humaine de devenir plus performante, c’est que les méthodes d’apprentissage sont plus développées et que le seuil de satisfaction devient différent et plus élevé, voire plus exigeant.
Cela compense peut-être avec le seuil très bas de satisfaction d’une majorité de personnes en terme d’éthique, de quête spirituelle de réalisation de soi, et d’aspiration à la paix et au beau sur terre.
C’est un autre sujet..

En tous les cas, nous pouvons toujours nous améliorer et atteindre des objectifs qui nous semblent inatteignables aujourd’hui.

C’est le propre de la transcendance yoguique.

Cela sous-entend qu’avec les connaissances actuelles en neurosciences, en neurologie, mais aussi dans d’autres domaines tels l’acoustique, la physique, l’astrophysique etc., nous pourrions être mieux nantis que les yogis anciens pour expérimenter les champs du pouvoir de l’esprit sur la matière, les états modifiés de conscience, les champs perceptifs dits anciennement paranormaux, et tout le processus de la transcendance.

Bien sûr, les anciens, dépourvus de données scientifiques du monde, ont développé un autre langage avec la nature, un langage divin, sacré ainsi que des compétences subtiles que l’homme moderne a bien du mal à aborder dans ce monde cacophonique saturé d’informations, de divertissements.

En préservant le savoir millénaire tout en discernant ce qui fait la différence entre les croyances et les réels pouvoirs yoguiques, nous maintenons à flot ce qui doit être sauvé. C’est un patrimoine des plus utiles pour tout chercheur contemporain désireux
de faire le pont entre la tradition et les innovations actuelles.
Nous sommes une porte.

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Dans le processus du seuil de satisfaction, se trouve un concept de niveau.
Or, comme il dépend de la détermination de l’individu à faire des efforts pour progresser, nous pouvons nous demander si tout le monde est égal à ce niveau-là et si cela ne dépendrait que de la volonté humaine ?

Lorsqu’un individu a un don et arrive aisément à réaliser quelque chose, ce qui demanderait un travail laborieux pour un autre, nous avons tendance à l’admirer.
Une catégorie de personnes pensent qu’en se donnant à fond, elles pourraient aussi réaliser cette même chose.
La capacité à se donner à fond, corps et âme n’est pas non plus le lot de tous et cette énergie, nous disent les neuroscientifiques, repose sur des traits de caractère bien spécifiques déterminés assez tôt au sein familial mais encore plus tôt et en partie au niveau des gènes. Intensité, niveau d’énergie dans nos interactions, humeur générale, degré de distraction, persévérance, intensité de l’activité, sont ces traits qui varient finalement beaucoup d’un individu à l’autre et qui semblent difficiles à modifier.

L’apprentissage du yoga permet malgré tout chez un grand nombre de personnes débutantes, de réveiller ou de chasser les inerties physiques et mentales. Les bienfaits obtenus grâce aux premiers efforts les maintiennent dans la pratique un certain temps. Seule la véritable soif de connaissance, les aptitudes à la constance et l’effort permettent à ceux qui les ont, de persévérer et d’avancer.

Dans l’apprentissage, il y a, chez celui qui désire apprendre, une motivation pour obtenir une récompense.
En yoga, un changement des mauvaises habitudes pour prendre pleinement possession de ses moyens physiques et mentaux apportent la récompense d’un mieux vivre, d’un mieux-être, d’un état d’être plus optimal en développant les fonctions supérieures.

On parle alors de réalisation de l’être, du moins dans le plus humain.

La réalisation spirituelle fait référence quant à elle, à la transcendance de l’état humain pour accéder à la perception de l’absolu par une expérience directe.
En trouvant en soi la résonance universelle, cela libère la conscience enchâssée dans les limitations de ses fausses identifications sur la réalité qui l’entoure.

Pour revenir au talent, au don inné de quelqu’un, il se vérifie finalement chez très peu d’entre-nous et relève plutôt chez un plus grand nombre, du fruit d’un travail acharné.
Même le plus grand joueur d’échec ne peut arriver à un certain niveau sans des milliers d’heures d’entrainement. Les cas d’enfants surdoués au échecs existent en effet mais sont malgré tout assez rares.

Ainsi donc, chers pratiquants, certains à nos côtés depuis près de trente ans et toujours en apprentissage yoguique, les milliers d’heures de pratiques qui nécessitèrent beaucoup d’efforts, de patience, de volonté inébranlable sont dans votre bagage spirituel d’aujourd’hui, le plus beau capital.
Ce dernier pèse lourd en termes de connaissances à commencer par celle de votre corps et celle de votre mental.
Vous avez pu développer des facultés, telles la maitrise devant l’adversité, le pouvoir de concentration, l’élargissement de votre conscience, l’intuition, la confiance.

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De même, vous avez réfléchi à l’approche de la réalité et joué avec elle.
Vous avez eu accès à la connaissance millénaire, à la réflexion métaphysique, à l’analyse du monde actuel.
J’espère, en tant que guide, que votre seuil de satisfaction n’est pas encore atteint.
Bien sûr, cela m’oblige à approfondir sans cesse le travail yoguique et mettre la barre haute pour votre apprentissage, mais cela vous permet, nous permet d’être toujours assoiffés de connaissance et de savoir nourrir de plus en plus intelligemment notre quête.

Hari om Tat Sat
Jaya Yogācārya

Bibiiographie :
  « La vie secrète de l’esprit » de Mariano Sigman aux edts Odile Jacob
 Adaptation et commentaire de Jaya Yogācārya

©Centre Jaya de Yoga Vedanta Ile de La Réunion & métropole

Remerciements à C. Pellorce pour sa correction

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