"Pharaḍūkad", les bons mots

Pharaḍūkad [1]

Parfois, mots non dits sont sanglots dans la gorge.
Ne coulant pas assez sur la peau un peu sèche,
Ils macèrent leurs jambages dans des jus épicés
et testent leurs majuscules au racle du palais.
Parfois, mots non écrits sont chagrins dans l’esprit.
Pour que les doigts les dansent, ils leur faut des idées,
Des sentiments étranges ou des visions tranquilles.
Ils s’invitent alors au rythme du clavier,
courant les farandoles ou bien un passe-pied.
Si des intempéries soulèvent leur colère,
De festifs à « pestifs » [2], ils sonnent acrimonieux,
Rayant même les lignes, portées de leurs rancunes,
Et jurent vendetta en tempo pernicieux.
Ils ont parfois la grâce quand l’esprit vigilant
Sait les tenir au chaud en attendant la brise.
Elle les portera haut par un air purifié,
Séparant le bon ton du non vrai.
Altruistes et généreux, assoiffés d’altitude,
Ils enlèvent les peurs obtuses des cerveaux lents,
Tissent la poésie quand il y a du vent,
Ou dessinent le ciel et son infinitude.
Qu’ils inventent ou découvrent et les voilà pédants
De suffixes, voyants rouges ou prés verdoyants.
Ils galopent sur leurs modes, rêvent de fleurs des chants,
Mais les affres du monde leur donnent juste mesure.
Seules douce tessiture et langue retournée
Sont garantes du calme et d’une vie tranquille.
Quand le respect de soi et de l’autre s’entachent,
Un siècle de silence devrait être observé.
De lui renaîtraient des syllabes légères,
des baumes susurrés pour panser les offenses.
Le primordial état d’un viscéral muet
Amplifie les accents de sa nature divine.
Saurons-nous sauver cette fragile terre
Où les mots d’amour ont été brocardés ?
Ils risquent bien un jour d’être des montgolfières
qui nous laisseront tous le front renversé,
Les pieds dans la misère...

auteure
Jaya Yogācārya

©Centre jaya de Yoga Vedanta Ile de la Réunion